L’immobilier logistique français à la croisée des chemins

Avec 850 000 m² commercialisés, soit une progression de 8 % en un an, le marché de l’immobilier logistique français a connu un léger regain d’activité au premier trimestre 2023. Un rebond d’autant plus surprenant que le segment des utilisateurs avait pâti, en deuxième partie d’année 2022, de sa plus faible performance depuis 2015, subissant directement les répercussions économiques de la guerre en Ukraine.

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Une performance en trompe-l’oeil du marché des utilisateurs au T1 2023 

Avec 850 000 m² commercialisés, soit une progression de 8 % en un an, le marché de l’immobilier logistique français a connu un léger regain d’activité au premier trimestre 2023. Un rebond d’autant plus surprenant que le segment des utilisateurs avait pâti, en deuxième partie d’année 2022, de sa plus faible performance depuis 2015, subissant directement les répercussions économiques de la guerre en Ukraine. Plus globalement, la demande placée de plateformes logistiques en France a même surpassé ce trimestre de 26 % sa moyenne à 10 ans. « La bonne performance de ce début d’année, aussi encourageante soit-elle, ne saurait être considérée comme représentative du marché actuel, pénalisé par un net ralentissement de la demande exprimée par les utilisateurs », tempère Didier Terrier, Directeur Associé d’Arthur Loyd Logistique

Les deux pôles leaders de la Dorsale - l’Ile-de-France et la région lilloise - sont ainsi en retrait, le volume global commercialisé n’y dépassant pas 195 000 et 147 000 m². En région lyonnaise, le volume global acquis ou pris à bail atteint seulement 34 000 m², du fait d’un manque d’offre persistant. Seule la région marseillaise bénéficie d’une dynamique haussière au premier trimestre 2023, stimulée notamment par la poursuite des prises de surfaces logistiques dans le parc de Bollène. Ainsi la demande placée a-t-elle augmenté de 63 % en PACA, atteignant 100 000 m². 

La progression des commercialisations dans l’Hexagone s’explique donc majoritairement par un nouvel élan des pôles secondaires, dans lesquels 374 000 m² ont été placés au premier trimestre 2023, soit une hausse de 132 % par rapport au début d’année 2022. A noter, les plateformes lancées en blanc y ont rencontré un certain succès, 4 transactions ayant porté sur des développements spéculatifs en région orléanaise, en Normandie, en Grand-Est et en Occitanie, pour un total de 96 000 m². « Pour autant, ce sont des projets clés en main, initiés pour partie avant la guerre en Ukraine, et dont les permis de construire et certifications ICPE viennent d’être purgés de tous recours, qui ont plus particulièrement stimulé ces marchés » ajoute Didier Terrier. 

Fait marquant, les prestataires logistiques, dont les prises de surfaces ont progressé de manière continue depuis 3 ans, ont connu un record d’activité au premier trimestre 2023, avec plus de 500 000 m² acquis ou pris à bail, représentant ainsi 61 % de la demande placée totale. « Dans un contexte d’incertitudes fortes pour les chargeurs, le recours à des prestataires - par le biais de contrats courts - leur permet de garder une certaine flexibilité quant à leur politique immobilière » ajoute Didier Terrier. Du côté des chargeurs, ce sont plus spécifiquement les industriels et les grossistes qui ont animé le marché, avec 10 transactions réalisées, pour un total de 207 000 m². Après une année 2022 fortement active, marquée notamment par les opérations de Lidl, les transactions de la grande distribution connaissent quant à elles un repli de 65 %. 

Pour la première fois depuis le premier trimestre 2017, le marché des utilisateurs a été principalement soutenu par le segment des transactions de plus de 40 000 m², qui a totalisé 307 000 m² au T1 2023. A noter que quatre de ces transactions ont été plus spécifiquement effectuées à l’initiative de prestataires logistiques. Citons à titre d’exemples les opérations de XPO Logistics à Combs la Ville, ou encore de Simastock à Douvrin. Au-delà des transactions de grand volume, c’est cependant le créneau 10 000 – 19 999 m² qui a connu ce trimestre la meilleure dynamique, avec 264 000 m² placés, soit une progression de 82 % en un an. 

Se positionnant à un niveau légèrement inférieur à 2 millions de m², l’offre de bâtiments logistiques disponibles sous 6 mois en France a diminué de 7 % au cours du dernier trimestre. Elle continue de se raréfier dans le sud-est de l’Hexagone, ne dépassant pas le seuil de 80 000 m² entre Lyon et Marseille. La commercialisation de plusieurs programmes lancés en blanc en Hauts-de-France - sur le littoral, dans le Bassin Minier et l’ouest lillois - y a entraîné une résorption de 9 % du stock d’offre. Ce dernier n’en reste pas moins élevé, à un niveau de 686 000 m². L’offre sous 6 mois est à nouveau orientée à la hausse dans le pôle parisien, atteignant 751 0000 m², du fait d’une légère progression de l’offre dans le nord et le sud de Paris. Enfin, les disponibilités se raréfient dans les pôles diffus de l’Hexagone : 441 000 m² y étaient disponibles à la location à la fin mars, soit une baisse de 46 % depuis 2020. 

« Dans un contexte de raréfaction de l’offre immédiate, de maintien relatif de la demande placée, d’augmentation des coûts de construction et de durcissement des conditions de financement, nombre de propriétaires ont revu à la hausse la valeur locative des offres qu’ils présentaient sur le marché. Une décision également justifiée par les prises de positions volontaristes des élus locaux et de certaines associations environnementales en termes d’artificialisation des sols, mais également par la montée en gamme technique de certains projets de développement. Dans ce contexte, le loyer de transaction moyen - pondéré par la surface - des actifs de classe A a également continué de progresser, pour atteindre 51 euros par m² et par an en France » explique Didier Terrier.

 « La question de la pérennité de la hausse des valeurs locatives se pose cependant aujourd’hui. Si l’offre disponible sous 6 mois - entre les mains de propriétaires investisseurs - demeure effectivement faible, certains bâtiments de prestataires logistiques fonctionnent actuellement en sous-régime, faute de contrats associés. Autant de surfaces de stockage vacantes, faisant concurrence avec l’offre déclarée. Une situation qui pourrait encore se dégrader dans les prochains mois au regard de la baisse actuelle de la consommation des ménages et des mesures d’économie qui pourraient être enclenchées par les acteurs de la supply chain. Par ailleurs, si l’offre de bâtiments existants se raréfie, le potentiel de développement a quant à lui atteint 12,2 millions de m². Un chiffre qui doit certes être nuancé dans la mesure où il comprend les projets en cours de dépôt de permis de construire et certifications ICPE. Dans ce contexte, l’évolution de la tension sur les fonciers logistiques en France dépendra entièrement des choix politiques, et des modalités d’application du principe de ZAN dans les territoires » conclut Didier Terrier. 

 

Investissement : l’atonie du premier trimestre contraste avec l’actuel regain d’intérêt des investisseurs 

Le retrait du marché de l’investissement dans l’immobilier logistique français s’est poursuivi au premier trimestre 2023. Seuls 247 millions d’euros ont ainsi été engagés au cours des 3 derniers mois, soit une baisse de 68 % par rapport au début d’année 2022, et de 65 % par rapport à la moyenne quinquennale. « Le marché est resté pénalisé par l’attentisme de la plupart des investisseurs, attendant une relative stabilisation des taux directeurs pour reprendre leurs opérations », déclare Nicolas Chomette, consultant associé spécialisé en investissement chez Arthur Loyd Logistique. 

C’est principalement sur le segment des transactions de portefeuilles - affichant une baisse de 92 % par rapport à 2022 - qu’a porté la perte de dynamisme du marché de l’investissement en immobilier logistique. Ainsi, et pour la première fois depuis 2018, aucune opération supérieure à 100 millions d’euros n’a été recensée au cours du premier trimestre. Seule une transaction de portefeuille a été enregistrée durant les 3 derniers mois, réalisée à l’initiative de Scannell Properties, et consistant dans l’acquisition de trois plateformes occupées par Lidl. « Une situation qui devrait s’inverser dans les prochains mois : plusieurs portefeuilles de grand volume sont actuellement en cours de commercialisation, suscitant un intérêt nourri des acquéreurs potentiels » ajoute Nicolas Chomette. 

Les montants engagés dans le cadre de transactions unitaires ont quant à eux connu un recul de 42 % par rapport au premier trimestre 2022, se maintenant toutefois au-dessus du seuil de 200 millions d’euros. A noter que la région lyonnaise est le seul secteur ou les volumes engagés dans le cadre d’opérations unitaires ont progressé, soit une illustration de la confiance des investisseurs pour ce marché, proche d’une situation de pénurie d’offre sur le marché locatif. 

Du côté des acquéreurs, le premier trimestre 2023 a été plus spécifiquement animé par les investisseurs français, qui ont nettement accru leurs prises de position, représentant près des deux tiers du volume global engagé. A l’inverse, les acteurs anglo-saxons et singapouriens, qui avaient été fortement actifs sur le marché au premier trimestre 2022, ont nettement réduit leurs acquisitions à ce stade. Pour autant, ces différents acteurs pourraient s’illustrer par des engagements importants au cours des prochains mois. En témoignent les exemples de Boreal IM et Cadillac Fairview, ayant procédé à une transaction à St-Ouen-l‘Aumône, de nouveaux entrants continuent cependant de se positionner sur le marché français. Autre opération de Sale & Leaseback, c’est dans le Bas-Rhin qu’Arkea Reim s’est porté acquéreur, auprès du groupe Dominique Dutscher, d’un site logistique. « Comme attendu, le segment des externalisations immobilières s’affirme - dans un contexte de resserrement du crédit - comme un levier auquel les utilisateurs n’hésitent pas à avoir recours » ajoute Nicolas Chomette. 

L’évolution des taux de capitalisation reste en partie déterminée par la prime de risque qu’offre l’immobilier vis-à-vis des taux souverains. « Or, les banques centrales se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins. Si la FED et la BCE s’étaient fixées en courant d’année dernière un objectif de resserrement de leur politique monétaire, cela afin de contrecarrer la progression de l’inflation, la déstabilisation récente de certains établissements bancaires - dans l’incapacité de faire face à la hausse des taux - est venue remettre en cause, du moins temporairement, cette politique. D’un autre côté, la nécessité de la lutte contre l’inflation rend pour autant peu probable un scénario de nette baisse des taux directeurs à court terme. La perspective d’une atteinte progressive du taux terminal amène d’ores et déjà à un regain d’activité sur le segment de l’immobilier logistique, même si les chiffres ne l’étaient pas encore » ajoute Nicolas Chomette. 

Dans ce contexte, le taux de rendement prime en immobilier logistique semblerait se stabiliser à la fin mars 2023, se positionnant à un niveau avoisinant 4,50 %. « Certaines transactions finalisées sur la base de taux de rendement plus agressifs ont certes été finalisées au cours des derniers mois. Cela soit parce qu’elles comportaient des spécificités, soit parce qu’elles avaient été engagées avant la révision monétaire des banques centrales » explique Nicolas Chomette. « L’attrait maintenu des investisseurs pour la classe d’actif logistique, et le manque d’offres disponibles à l’acquisition pourrait toutefois amener - si les taux directeurs se stabilisaient - à un retour à un volume de transactions plus fourni, condition qui ouvrirait alors la voie à une légère compression du taux de rendement prime logistique entre la fin 2023 et le début 2024 ».

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