J’ai le plaisir aujourd’hui d’accueillir Jean-Christophe Antoine, président de la société Atland Voisin, qui nous apporte son témoignage pour la parution de la 4ème édition du Baromètre d’attractivité et de dynamisme des métropoles d’Arthur Loyd.
Merci d’avoir accepté notre invitation pour partager avec nous votre expérience et votre vision du marché, en particulier des marchés régionaux. Atland Voisin est aujourd’hui un acteur incontournable dans l’univers des gérants de SCPI.
Jean-Christophe Antoine : Atland Voisin c’est une histoire particulière, d’abord c’est une histoire ancienne parce que c’est une société de gestion qui a été créée en 1968, qui a donc plus de 50 ans maintenant. La particularité est d’avoir été créée par des gens installés en régions. Nous avons conservé cette identité puisque le siège social d’Atland Voisin est à Dijon. Nous nous en félicitons et c’est vraiment un mariage réussi de Paris et des métropoles, avec des compétences très fortes au niveau des équipes régionales. Il y a eu une modification des actionnaires à partir de 2016, date de mon arrivée chez Atland Voisin. C’est effectivement la foncière Atland, qui est une société cotée, qui a racheté Atland Voisin en 2015, et je suis arrivé au sein de cette structure à ce moment-là. Atland Voisin s’est développée très largement à partir de 2016. Aujourd’hui c’est à peu près 2 milliards d’actifs sous gestion, à travers 3 SCPI à destination des particuliers. 2 OPCI professionnels sur des classes d’actifs différentes. Nous avons 3 SCPI plutôt immobilier d’entreprise et régionales et 2 OPCI, un qui est centré sur toutes les activités de transport en France et un OPCI qui est centré sur l’Ile-de-France et la recherche de valorisation.
Un ancrage régional assez fort par votre implantation historique à Dijon. Quelle répartition par type d’actifs dans le patrimoine que vous gérez ?
Jean-Christophe Antoine : Sur les 2 milliards d’actifs que nous gérons nous avons une majorité de bureaux. 65 % de bureaux, 25 % de commerces (essentiellement des commerces en pied d’immeubles et de périphérie, ce que l’on appelle retails parks) et 5 % de locaux d’activités.
Au cours des 20 dernières années, certaines métropoles régionales se sont transformées, d’autres ont véritablement changé de dimension. Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué dans cette évolution au cours des deux dernières décennies ?
Jean-Christophe Antoine : Effectivement, j’ai l’avantage, ou l’inconvénient, d’avoir commencé à travailler en 1985. J’ai donc assisté à l’extraordinaire transformation des métropoles régionales à la fin des années 90, avec des investissements en infrastructures très importants, autant au niveau routier, autoroutier, transport en commun, équipements publics… Et la prise de conscience des municipalités du rôle économique et du développement de leur attractivité. Je rappellerai un élément : la loi MAPTAM en 2014 qui visait à offrir aux villes françaises les moyens d’affirmer leur capacité d’action à l’échelle régionale voire européenne, et ainsi renforcer leur rôle de moteur de l’économie française. Cela a été le cadre d’une action publique efficace, capable de faire émerger une nouvelle croissance économique, par un soutien local aux entreprises et à leur créativité. C’est ainsi que cette loi a consacré la transformation en « métropoles » de nombreuses agglomérations comme Marseille, Bordeaux, Lyon. Au sein desquelles effectivement, l’immobilier était pensé au sein de la métropole et non pas au sein de la commune. Cela a été un élément de politique publique très important. Outre les éléments propres à la situation de l’histoire de chaque ville, les métropoles ont mené véritablement un développement à différents niveaux : le développement du capital intellectuel, effectivement avec les pôles universitaires, les écoles supérieurs, les pôles de recherche, et leur synergie avec l’économie locale, la qualité de vie, qui est bien sûr mesurée par la qualité des transports, l’offre de logements, les équipements culturels, l’offre de santé, la qualité environnementale, puis le pôle économique avec le poids de la démographie qui a été largement positif pour une majorité de villes, le poids du produit intérieur brut, la concentration des activités économiques au cœur du tissu urbain. Cette stratégie globale des métropoles, depuis maintenant plus de vingt ans, a fonctionné comme un accélérateur d’innovation et de développement. Le résultat, je l’ai constaté depuis 30 ans, c’est une transformation radicale des métropoles, à travers une offre immobilière qui est relativement homogène, et la naissance des nouveaux quartiers centraux qui n’existaient pas. Je pense à la Part Dieu, à Euralille, Euratlantique, à Euroméditerranée. Il y a une transformation absolument phénoménale de nos métropoles régionales et qui a favorisé le développement de leur économie.
Une réelle transformation des investissements majeurs dans les infrastructures, de fortes hausses de population, d’emplois, tout cela sur fond de tertiarisation de l’économie, et d’augmentation de l’intelligence humaine dans la création de valeur ajoutée. Que représentent les régions dans le patrimoine géré par Atland Voisin ? Est-ce que vous vous concentrez uniquement sur les très grandes métropoles ?
Jean-Christophe Antoine : Par notre histoire, comme je l’ai rappelé, la société de gestion est née à Voisin et son siège social demeure à Dijon, on a un ancrage régional très fort et une connaissance des métropoles relativement importants. 62% des 2 milliards que nous gérons sont effectivement situés dans les grandes métropoles régionales et leur périphérie. Nous sommes également présents dans certaines villes secondaires de nature touristique ou de villes qui vont bénéficier d’une évolution démographique positive. Je pense notamment à des commerces dans les zones touristiques comme Bayonne, Saint-Jean de Luz, la Baule, ou des villes comme Tours qui ont vu une évolution démographique positive. D’une manière générale toute la façade Atlantique et Midi-Pyrénées, Aquitaine. Mais le gros de nos investissements est quand même situé dans les 15 grandes métropoles régionales.
Si on se concentre un petit peu plus sur les bureaux, en tant qu’investisseur, quelles sont vos convictions sur les marchés régionaux ?
Jean-Christophe Antoine : Les marché régionaux, on l’a vu par leur transformation, ont réussi à capter une offre immobilière qui a été relativement importante, bénéficiant du renouvellement de l’offre immobilière, de la création de nouvelles zones qui ont permis à différentes entreprises de croître ou de venir s’installer dans les régions. Il y a eu un mouvement qui a été largement positif sur les marchés régionaux. On a vu, puisque nous partions d’une période dans les années 80 où il y avait une différence, qui existe toujours, de loyer entre la région parisienne et la province mais aussi un double effet, une différence de valeur locative, également sur les taux de rendement. C’est-à-dire que même avec un loyer plus faible, les taux de rendement en province étaient plus élevés, puisqu’il y a 25 ou 30 ans nous achetions des immeubles de bureaux à Lyon, à Lille ou à Marseille à 8 % de taux de rendement. Ce qui était complétement incompréhensible puisque nous avions à la fois une valeur locative plus faible et un taux de rendement plus élevé. C’était une double peine pour ces marchés régionaux. Il a fallu un développement économique de ces villes sur les trois pôles : le capital intellectuel, la qualité de vie et le développement économique, pour voir ces villes se transformer, voir les loyers, petit à petit à des niveaux normaux ainsi que la compression des taux de rendement. L’investissement dans les marchés régionaux a eu un effet bénéfique avec des marchés qui peuvent être peut-être un peu moins volatiles que la région parisienne où l’amplitude des valeurs quand nous vivons une crise ou une croissance économique importante, va être un peu moins forte qu’en région parisienne. Il peut y avoir une moindre volatilité, ça dépend de l’équilibre entre l’offre et la demande mais je pense que tous les investisseurs ont pu bénéficier de cette création de valeurs pour autant qu’ils aient étaient investis dans les grandes métropoles de région.
Des fluctuations un peu moins fortes et certains marchés régionaux qui ont gagné une forme de maturité, si je comprends bien. Vous évoquiez la crise à l’instant, quelle est votre lecture des crises sanitaires, économiques actuelles ? Dans ce contexte quelles sont les perspectives pour Atland Voisin en 2020 ?
Jean-Christophe Antoine : Nous sommes effectivement plongés dans une crise qui était déjà là, la crise sanitaire. Mais ce qui va nous intéresser c’est la crise économique, qui est la conséquence de l’arrêt de l’économie pendant deux mois. La baisse de la croissance en France en 2020 sera relativement importante. Il faut savoir que l’immobilier a vécu, depuis 1980, environ 5 crises, dont la plus importante dans les années 90 qui a été provoquée par une suroffre par rapport à une baisse de la croissance. Donc ces crises on les connaît. Les moteurs, les éléments et les conséquences on connaît, on le voit apparaitre aujourd’hui, c’est immédiatement une baisse de la demande, puisqu’aujourd’hui dans un contexte pareil les entreprises ont très peu de visibilité sur les mois à venir, ce qui est très préjudiciable à faire des investissements, elles vont geler leurs investissements. Parallèlement on a une augmentation de l’offre de locaux. On part d’une situation relativement saine dans les marchés de régions, où on n’avait pas de déséquilibre entre l’offre et la demande et globalement on va voir apparaître aujourd’hui une augmentation de l’offre, une augmentation du pourcentage de locaux vacants et alors il y a un parallèle à cela aussi qui est plutôt favorable et qui produira ces effets à plus long terme : l’arrêt de programmation d’immeubles qui vont être lancés en blanc. Sous la double contrainte d’une part aujourd’hui des mairies et des nouvelles municipalités qui freinent largement l’accord de nouveaux permis de bureaux et d’autre part le fait que les promoteurs ne vont pas pouvoir lever des fonds propres très importants sur des immeubles à risques où les banquiers vont leur demander des fonds propres plus importants qu’auparavant. Cela produira ses effets plus tard, cela va réduire l’offre avec un phénomène d’inertie que nous estimons à 18 ou 24 mois. Tout de suite, pendant cette période, on va avoir une augmentation de l’offre. C’est ce que nous imaginons. Ensuite les entreprises, qui sont logées aujourd’hui dans des locaux loués à des prix modérés ou des prix de marché, ne vont pas prendre la décision de déménager sauf pour un gain économique. Les transactions vont se faire s’il y a un gain économique pour l’entreprise. Globalement on va voir une baisse des transactions, une augmentation de l’offre et sur les loyers les plus élevés il peut y avoir des corrections de prix pour les locaux qui seraient à louer. Pour Atland Voisin, avant l’annonce du deuxième confinement [ndlr : annoncé le 29 octobre 2020], nous n’avions pas de problématiques particulières sur nos 3 SCPI. On a une SCPI, Immo Placement, qui a été créée en 1968 et qui est majoritairement, à 90 % investie en région. Avec cette SCPI (sur une concentration plutôt Rhône-Alpes) on allait avoir des résultats, une distribution équivalente à celle de 2019. Un impact très faible malgré l’accompagnement de certains locataires fait pendant la période de confinement. Notre objectif est de maintenir les distributions et cette SCPI a pas mal de réserves. A priori nous distribuerons le même résultat que l’année dernière. Sur une SCPI spécialisée commerce et plutôt dans les régions sud-ouest, à 90 % en région, il y aura un impact parce que nous avons été dans l’obligation d’accompagner un certain nombre de locataires. Nous aurons vraisemblablement une baisse de la distribution d’environ 10 % sur cette SCPI. Sur la plus grosse SCPI, une SCPI diversifiée s’appelant Epargne pierre à 70 % en région et 30 % en région parisienne, nous avons l’objectif de distribuer un dividende qui va être supérieur à 5.30 environ, ce qui demeure un niveau très important. Aujourd’hui nous sommes attentistes sur les bureaux, contenu de l’inertie sur l’immobilier. Nous attendons un peu de voir ce qu’il se passe et nous ne réagissons aujourd’hui que sur opportunités. Sur les commerces la correction des prix a légèrement commencé donc nous regardons les commerces mais sans se précipiter. Je pense que le commerce, malgré la situation qu’on vit, peut sortir un peu plus vite. Il y aura de la casse sur les mois à venir mais je pense que les commerces de proximité vont mieux résister et les commerces de périphérie (retails parks) également. Pour les centres commerciaux cela va être un peu plus dur mais nous n’en possédons pas dans notre patrimoine. Je pense que la reprise de la consommation, quand nous serons sortis de cette crise sanitaire va reprendre plus vite alors que pour les bureaux cela va être plus décalé dans le temps.
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