Avec 491 100 m² commercialisés au premier trimestre 2024, le marché français de l’immobilier logistique a enregistré l’un de ses plus faibles scores pour un début d’année. En repli de 50 % par rapport à un premier trimestre 2023 particulièrement dynamique, la demande placée s’établit tout de même en baisse de 33 % par rapport à sa moyenne décennale.
lire l'articleAvec 491 100 m² commercialisés au premier trimestre 2024, le marché français de l’immobilier logistique a enregistré l’un de ses plus faibles scores pour un début d’année. En repli de 50 % par rapport à un premier trimestre 2023 particulièrement dynamique, la demande placée s’établit tout de même en baisse de 33 % par rapport à sa moyenne décennale.
Particulièrement corrélé à la conjoncture économique, le marché utilisateurs de l’immobilier logistique pâtit du manque de visibilité de ses acteurs traditionnels : des tensions géopolitiques au durcissement des conditions de crédit, en passant par la dégradation globale du climat des affaires et des comptes de résultats, de nombreux indicateurs ont viré à l’orange, voire au rouge. Dans ce contexte, « cette contraction du marché, comme celle de la demande exprimée, s’inscrit finalement dans la continuité de ce que nous constatons depuis septembre 2023 » précise Didier Terrier, Directeur Associé d’Arthur Loyd Logistique.
Au premier trimestre 2024, la baisse des volumes porte en premier lieu sur les secteurs de la Dorsale : 219 000 m² y ont été acquis ou pris à bail, en repli de 61 % en un an. Si le manque de vitalité des marchés en régions lyonnaise et marseillaise peut s’expliquer par une situation de pénurie d’offre qui sévit notamment dans les pôles les plus établis, en Ile-de-France, c’est, sans conteste, l’atonie de la demande locative qui est en cause : la région parisienne signe, avec seulement 84 000 m², une baisse de 57 % des volumes placés. Les Hauts-de-France, pour leur part, enregistrent certes un recul de 45 %, mais après un premier trimestre 2023 qui avait été très actif. C’est ainsi à Saint-Sauveur (80), près d’Amiens, que ID LOGISTICS a réalisé la plus grande transaction de ce début d’année 2024, en prenant à bail 80 000 m² au sein d’un développement XXL livré en blanc et porté par ARA EUROPE.
Les secteurs secondaires, quant à eux, totalisent près de 273 000 m² commercialisés au cours du premier trimestre 2024, affichant ainsi une baisse moins prononcée de 34 % en un an, et même en progression de 6 % par rapport à la moyenne à dix ans. La région Centre-Val-de-Loire s’est incontestablement démarquée en ce début d’année, concentrant 3 transactions, parmi lesquelles un industriel de la Défense près de Bourges (18) sur plus de 33 000 m², ou encore, la prise à bail par DERET à Ormes (45), dans l’Orléanais, qui s’est positionné sur 52 000 m² pour lui permettre de répondre aux besoins de débords de ses clients. A noter, le maintien de l’activité transactionnelle dans le grand quart Nord-Est du pays, avec plus de 75 000 m² placés sur 4 opérations, tandis que le Grand Ouest n’a pas réitéré sa performance de l’an passé.
Au final, seuls les Hauts-de-France et les secteurs secondaires affichent des volumes supérieurs à leurs moyennes décennales, tandis que les régions francilienne, lyonnaise et marseillaise enregistrent des reculs significatifs des volumes placés. Dit autrement, les pôles logistiques aux loyers les plus élevés sont ceux qui souffrent le plus des conséquences de l’attentisme des acteurs du marché en ce début d’année 2024. « Si depuis trois ans les tensions sur l’offre disponible de bâtiments logistiques ont entraîné une hausse généralisée des loyers, le grippage actuel du marché locatif dans les pôles établis de la Dorsale vient peut-être nous rappeler que les capacités financières des acteurs de la supply sont également dépendantes de l’environnement économique, aujourd’hui dégradé », analyse Didier Terrier.
La nature des preneurs, quant à elle, évolue peu par rapport à 2023, et reste dominée par les prestataires. Ces derniers concentrent ainsi 60 % des volumes de transactions, un fait assez inhabituel qui s’explique avant tout par le recul de la part relative des chargeurs, ces derniers ayant réduit de moitié, par rapport à la moyenne décennale, leurs prises de position. En dépit de cette activité tournant au ralenti, les acteurs de la grande distribution d’une part, et les industriels et grossistes d’autre part, concentrent l’essentiel des surfaces acquises ou prises à bail au premier trimestre 2024. Parmi ces opérations, citons notamment le bâtiment clés en main de 11 000 m² qui sera réalisé par JMG pour le compte du fabricant VEKA, à Saint- Loup-de-Varennes (71), près de Chalon-sur-Saône. A noter, l’absence de transaction réalisée par les acteurs du e-commerce, qui masque en réalité leur recours, pour certains d’entre eux, aux prestataires pour faciliter leur implantation ; par ailleurs, plusieurs projets d’un grand pure-player sont en gestation et pourraient aboutir dans le courant de l’année 2024.
S’agissant des segments de surfaces de transactions, l’ensemble des créneaux est logiquement en repli, avec toutefois quelques nuances. Ainsi le segment 20 000 – 39 999 m² est celui qui résiste le mieux, avec 194 500 m² (- 30%) en 7 opérations, comme en témoigne la location par le transporteur JACKY PERRENOT de l’ancienne plateforme LIDL de Gondreville (54), portant sur une surface de 26 900 m². A l’inverse, le créneau 10 000 – 19 999 m² connaît un « trou d’air » majeur, totalisant un cumul de 81 000 m², soit un repli de 74 % par rapport à l’an dernier. « Ce segment de surfaces des 10 000 – 19 999 m² est traditionnellement un bon indice de la vitalité du marché de l’immobilier logistique » précise Didier Terrier. « Avec seulement 6 opérations réalisées ce trimestre, contre 15 en moyenne pour la même période au cours des dix dernières années, on tient ici la démonstration d’une certaine langueur qui affecte temporairement ce marché » complète-t-il.
Dans ce contexte, l’offre disponible sous 6 mois atteint près de 3,2 millions de m² à la fin du premier trimestre 2024, en hausse de 23% au cours des trois derniers mois. Outre le ralentissement de la demande qui diminue son absorption, « le stock est désormais alimenté par de nouvelles libérations de surfaces consécutives aux difficultés que traversent certains retailers dans l’alimentaire, l’ameublement et le bricolage, des pans d’activité particulièrement malmenés par la chute de la consommation des ménages en 2023 » décrypte Didier Terrier.
Dans le détail, l’offre sous 6 mois reste globalement stable dans les Hauts-de-France, en régions lyonnaise et marseillaise – ces deux dernières subissant toujours des tensions persistantes. En revanche, elle bondit de 27 % en Ile-de-France pour atteindre 991 000 m², et de 23 % dans les secteurs Hors Dorsale, la hausse étant concentrée en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine. Au total, et pour la première fois depuis 2020, le taux de vacance dans l’Hexagone repasse la barre symbolique des 5% et s’établit à 5,2% au premier trimestre 2024. A cela, il convient d’ajouter la concurrence des débords libérés par quelques chargeurs, et qui entraînent certains bâtiments de prestataires logistiques en situation de sous-activité.
Si jusqu’ici la raréfaction de l’offre, la hausse des coûts des matériaux de construction et la montée en gamme technique de certains projets de développement avaient permis une hausse de 25% de la valeur locative moyenne des bâtiments de classe A depuis 2020, cette dynamique semble désormais marquer une pause. En effet, la reconstitution importante des stocks, que l’on constate en réalité depuis la mi-2023, provoque une intensification de la concurrence entre les surfaces disponibles, face à une demande exprimée en berne. A l’exception des sites en tension sur l’offre, les utilisateurs sont donc en train de reprendre progressivement la main dans le jeu des négociations de loyer, qui se traduit, le plus souvent, par des mesures d’accompagnement plus généreuses. « Une manière pour les bailleurs de sécuriser la commercialisation de leurs actifs, quitte à s’éloigner légèrement de leurs business plans initiaux » poursuit Didier Terrier.
A rebours du marché des utilisateurs, le marché de l’investissement en immobilier logistique enregistre un regain de dynamisme, atteignant plus de 510 millions d’euros au cours des 3 premiers mois de l’année 2024. Sans retrouver le volume de sa moyenne quinquennale, ce compartiment augmente de 106% par rapport à 2023, et se démarque notamment des segments bureaux ou commerce, orientés à la baisse. La logistique concentre ainsi près d’un tiers des volumes totaux en immobilier d’entreprise, un record. Après le retournement sensible du marché de 2023, « l’immobilier logistique bénéficie sans conteste du retour des investisseurs en 2024 » commente Nicolas Chomette, Consultant Associé en investissement chez Arthur Loyd Logistique. La perspective d’une baisse des taux directeurs de la BCE, l’amélioration des conditions de financement et l’accumulation de « poudre sèche » prête à se déployer sur certains segments de l’immobilier industriel ont, en effet, permis à ce marché de reprendre des couleurs. « Sans compter que certains voient dans la logistique un actif , tablant sur des croissances de loyer dans les années futures » complète Nicolas Chomette.
Fait marquant, les transactions unitaires ont même retrouvé un niveau supérieur à leur moyenne à 5 ans, totalisant plus de 360 millions d’euros, à travers 10 opérations. Ainsi, WDP, PGIM, WEINBERG CAPITAL PARTNERS ou encore CLARION GRAMERCY se sont notamment illustrés par des acquisitions au cours de ce trimestre, le plus souvent sur des volumes unitaires compris entre 20 et 80 millions d’euros.
Les montants investis dans les portefeuilles, bien qu’en phase de redémarrage également, n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant 2023. Néanmoins, la multiplication de nouvelles références d’après crise apportent une certaine visibilité et permettent à un nombre croissant d’acteurs d’aller au marché plus sereinement qu’en 2023. Ainsi, « plusieurs portefeuilles sont actuellement en phase de marketing, en exclusivité ou sous promesse, et vont permettre aux investisseurs Core + / Value Add de pouvoir s’exprimer au cours des prochains mois » ajoute Nicolas Chomette.
Pour autant, les investisseurs font toujours preuve d’une grande sélectivité, comme en témoignent les volumes de réponses aux appels d’offre. On peut ainsi parler d’un marché à deux vitesses : d’une part, les sujets situés dans les secteurs de la Dorsale offrant un potentiel de réversion locative, qui sont fortement plébiscités. D’autre part, les secteurs secondaires, qui, s’ils font jeu égal à la Dorsale tant en volumes qu’en nombre de transactions en ce début 2024, suscitent globalement moins d’intérêt de la part des investisseurs. Cette dualité du marché de l’investissement logistique est encore le reflet d’un comportement averse au risque de localisation. « Pourtant, le marché locatif du début 2024 se montre nettement plus résilient dans les pôles hors Dorsale et en Hauts-de-France, du fait de loyers plus compétitifs. Dans un marché français qui était jusqu’ici en tension sur l’offre, le risque locatif n’était plus un sujet. Désormais, les investisseurs vont devoir composer avec un marché locatif plus concurrentiel, générant – du fait d’un retournement de la conjoncture économique – un risque supplémentaire de vacance. Cette situation pourrait logiquement les inciter à recentrer davantage leurs acquisitions sur les pôles logistiques les plus attractifs pour les utilisateurs, y compris hors de la Dorsale » décrypte Nicolas Chomette.
Comme souvent après chaque crise, le redémarrage du marché provient notamment du retour des fonds anglo-saxons Value add, les fonds Core restant encore peu actifs ; les investisseurs anglo-saxons représentent ainsi 50 % des volumes injectés au cours du premier trimestre 2024. Plus globalement, les investisseurs internationaux se sont illustrés par leurs prises de position, captant près de 90% des engagements ; une fois n’est pas coutume, c’est un investisseur suisse, avec la joint-venture PICTET / ARAX sur le portefeuille Podium, qui a réalisé la plus grande transaction du trimestre, portant sur un volume supérieur à 100 millions d’euros.
« Le retour des investisseurs sur le segment de l’immobilier logistique et le redémarrage de l’activité transactionnelle sont des signes encourageants, qui prouvent que le marché a réussi à surmonter la longue phase de désaccords sur les prix entre vendeurs et acheteurs. Marqueur supplémentaire de cette reprise, les appels d’offres compétitifs à deux tours complétés par des améliorations de prix sont de retour sur certains deals. Ainsi, Arthur Loyd Logistique est intervenu sur plus de 150 millions d’euros d’engagements au premier trimestre 2024, correspondant à une part de marché de 30% » note Nicolas Chomette
Contrairement à d’autres classes d’actifs, « les investisseurs ont désormais la conviction que le repricing a été réalisé en logistique, en particulier sur les actifs Core + ou Value add. Ainsi, le taux prime sur le marché français s’établit désormais à 5,00%, tandis les transactions en cours portant sur des actifs présentant un potentiel de réversion devraient se finaliser sur la base d’un taux de capitalisation proche de 4,75%. La concurrence farouche que se livrent les investisseurs sur certains dossiers est la preuve, si cela était encore nécessaire, que le momentum est idéal pour investir en immobilier logistique » conclut Nicolas Chomette.
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