L'artificialisation des sols en France est liée à la croissance démographique et économique. Entre 2011 et 2020, 230 000 hectares ont été artificialisés, soit 1 129 m² par nouvel habitant. Les territoires les plus dynamiques (Toulouse, Lyon, Nantes...) ont connu la plus forte artificialisation. Paradoxalement, certains territoires en déclin démographique (Bourges, Châteauroux...) ont aussi artificialisé des sols pour répondre aux besoins des populations locales (logements, services...).
lire l'articleLe besoin d’artificialisation d’un territoire peut notamment s’apprécier au regard de son développement démographique et économique. De ce point de vue, la croissance démographique de la population française qui a eu lieu entre 2011 et 2020, avec 2 millions d’habitants supplémentaires en métropole, a justifié l’artificialisation de pas moins de 230 000 hectares1 . Pour chaque nouvel habitant, ce sont ainsi 1 129 m² qui ont été artificialisés, en moyenne dans l’Hexagone.
Un chiffre qui dissimule néanmoins des disparités profondes selon les territoires, comme l’illustrent les 2 cartes de cette page. La première d’entre elle (figure A) représente le niveau de tension socio-économique des différents bassins français au cours de la période 2011-2020. Cet indice de tension socio-économique permettant de représenter le dynamisme de ces territoires sur la base de la progression de la démographie et du nombre d’emplois. Deux facteurs qui doivent les inciter à revoir l’aménagement de leur territoire pour permettre d’accueillir dans les meilleures conditions ces nouvelles activités. La deuxième carte (figure B) représentant quant à elle la progression de l’artificialisation des sols dans ces territoires entre 2011 et 2020.
A noter, au regard de ces deux cartes, qu’il n’y a pas nécessairement corrélation entre l’attractivité d’un territoire et son niveau d’artificialisation. Certes, certains des territoires les plus dynamiques en termes de croissance démographie et de progression de l’emploi, à l’instar des bassins toulousain, lyonnais et du nord marseillais, de la façade atlantique - comme Nantes et le sud de Bordeaux - ou encore du Languedoc- Roussillon, ont connu une progression de l’artificialisation particulièrement importante. 38 bassins - soit 13 % du nombre total de territoires - ont ainsi concentré 24 % de l’artificialisation totale entre 2011 et 20201. Pour autant, d’autres secteurs ayant bénéficié d’une progression démographique et économique conséquente - tels les bassins de Paris ou St-Louis (Alsace) - n’ont été que faiblement consommateurs en fonciers. Un phénomène s’expliquant par leur niveau d’artificialisation déjà élevé. La faible consommation passée de certains territoires pourtant attractifs, tels que la Corse, peut également s’expliquer par des configurations géographiques et juridiques spécifiques (telles que la loi Montagne et la loi Littoral).
1 : Arthur Loyd Research, d’après Données Cerema
Plus paradoxalement, certains territoires en déclin démographique n’en ont pas moins eu un important recours à l’artificialisation. En témoignent l’exemple des bassins de Bourges et Châteauroux qui, bien qu’ayant connu respectivement des reculs de 5 et 3 % de leur population, n’en ont pas moins artificialisé entre 1 529 et 1 173 hectares de fonciers entre 2011 et 20201. Une pratique qui s’explique principalement par la construction d’espaces dédiés à usage spécifique de logement. A noter que cette typologie constitue de manière plus globale la première cause d’artificialisation en France métropolitaine, représentant 63 % de celle-ci.
Ainsi l’artificialisation d’un territoire ne s’explique-t-elle pas seulement par la progression de son nombre d’habitants et d’entreprises. Elle permet notamment de répondre aux besoins de populations d’ores et déjà présentes dans un territoire, mais pâtissant d’un déficit de services (transports, commerces, services publics…). À noter que se pose également pour ces parties prenantes la problématique de l’obsolescence d’une partie du parc immobilier actuel, ne correspondant plus – tant en termes de prestations énergétiques que d’usage ou de nouvelles normes juridiques – aux besoins de ses occupants. En outre, l’artificialisation des territoires peut être accentuée par la réalisation de projets stratégiques nationaux (tels que des routes ou projets ferroviaires). Dans le bassin de Charleville-Mézières, ce sont ainsi 116 hectares1, soit 12 % de la surface artificialisée dans ce secteur entre 2011 et 2020, qui ont plus spécifiquement été requis pour la construction d’une infrastructure routière.
À noter que l’augmentation des prix de l’immobilier résidentiel et tertiaire dans nombre de territoires métropolitains, dès lors inaccessibles à des ménages ou des entreprises disposant de ressources financières plus modérées, n’est pas pour restreindre le phénomène d’étalement urbain, poussant des territoires plus périphériques à se doter d’une offre immobilière et de services à la population adaptés pour les accueillir, et donc à devoir, à leur tour, artificialiser les sols pour la construction de maisons et bâtiments de tout type.
Dans le cas où les différents territoires de France métropolitaine seraient amenés à maintenir entre 2021 et 2030 leurs habitudes de consommation foncière de la dernière décennie, le besoin théorique d’artificialisation – calculé ici sur la base du nombre moyen d’hectares artificialisés par habitant présent dans un territoire donné – pourrait s’élever à un niveau de 237 000 hectares. Au total, ce seraient ainsi pas moins de 181 bassins (figure C), au premier rang desquels des territoires du Grand-ouest – tels Toulouse, Nantes ou Rennes – qui verraient leurs besoins immobiliers croître. Une évolution qui confirmerait le phénomène de littoralisation de la société française, du moins sur la façade Atlantique, de même que sa métropolisation. Un phénomène qui affecterait également moins le cœur des métropoles, où les fonciers sont d’ores et déjà plus rares, que leur périphérie.
Cette hypothèse ne tient toutefois pas compte de la mise en place de l’objectif de Zéro Artificialisation Nette, qui devrait amener à court terme à une nette diminution de la capacité d’extension des territoires urbanisés. Sur la base de la consommation effective d’espaces naturels au cours de la décennie 2011-2020, ce seraient ainsi seulement 115 000 hectares qui pourraient être artificialisés en France métropolitaine entre 2021 et 2030. A noter néanmoins qu’une capacité d’artificialisation de 1 hectare sera accordée à toute commune de France. Soit une rectification du texte de loi originel, visant à ne pas s’avérer punitif à l’égard des territoires « bons élèves », n’ayant que très faiblement artificialisé leur territoire au cours de la dernière décennie. Au total, et hors enveloppe dédiée aux projets industriels stratégiques, ce sont ainsi 124 000 hectares qui pourront être artificialisés au cours de la prochaine décennie.
1 : Arthur Loyd Research, d’après Données Cerema
Note méthodologique
L’indice de tension socio-économique, calculé par Arthur Loyd Research, classe les différents bassins Insee français selon la progression de l’emploi et de la population dans ces territoires au cours d’une période donnée. Les territoires à l’indice le plus élevé s’avèrent les plus dynamiques.
Le besoin théorique d’artificialisation par bassin Insee entre 2021 et 2030 a été évalué par Arthur Loyd Research sur la base des habitudes de consommation foncière de ce territoire entre 2011 et 2020, en fonction de la population présente dans celui-ci. Le ratio moyen obtenu a ensuite été appliqué à la période 2021-2030, sur la base des prévisions de populations présentes dans les différents bassins Insee de France métropolitaine (projections d’Oxford Economics).
→ 87 % des français sont favorables à la mise en place d’un objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols à l’horizon 20501
→ 9 français sur 10 souhaiteraient habiter dans une maison individuelle2
→ « Avoir un jardin » 1er élément cité parmi les critères qui font qu’un logement est agréable à vivre, devant « une bonne isolation » et « un environnement agréable »2
→ 54 % des français souhaitent des villes moins denses et plus d’étalement urbain, contre 40 % qui souhaitent des villes plus denses3
1 : D’après @Ifop pour les Intercommunalités de France – « L’acceptabilité sociale des transitions » – septembre 2023
2 : D’après @Ipsos – Fondation Jean Jaurès / CFDT – « La société idéale de demain aux yeux des français » - avril 2023
3 : D’après Opinionway pour l’Union Nationale des Aménageurs & Fédération des SCOT– « Les français, les maires et l’objectif Zéro Artificialisation nette » – janvier 2021
Ce qu'il faut retenir
On note une contradiction évidente entre les aspirations profondes des français quant à leur idéal de logement et d’environnement urbain, et la mise en œuvre de l’objectif ZAN.
Ainsi, une écrasante majorité des français (9 sur 10) souhaiterait vivre en maison individuelle, si possible avec un jardin, et adhèrerait fortement à l’objectif de Zéro artificialisation nette des sols, pour des raisons écologiques évidentes (préserver les espaces naturels ou agricoles), mais également, pour la préservation de leur environnement proche. Selon les différentes enquêtes d’opinion, les français rejetteraient majoritairement la densité urbaine.
Si pour l’heure, les français ne semblent pas avoir identifié l’objectif ZAN comme une menace pour le mode de vie auquel ils aspirent profondément, la lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation pourraient rapidement se confronter à leurs propres contradictions : renforcement de la pénurie de logements, renchérissement des prix de l’immobilier, etc.
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Qu’est-ce que l’objectif de Zéro Artificialisation Nette ?
L'objectif ZAN est ambitieux et vise à concilier développement économique et préservation de l'environnement. Le but du ZAN est de construire un avenir durable pour nos territoires en conciliant les besoins de développement économique et la préservation des ressources naturelles.
Le ZAN : un coup d’arrêt à la consommation foncière
La loi ZAN limite fortement l'artificialisation des sols en France. D'ici 2030, 113 000 hectares manqueront pour répondre aux besoins passés, impactant particulièrement le Grand-Ouest, le bassin toulousain et le couloir rhodanien. Les zones périphériques, potentiels relais, pourraient aussi manquer de surfaces. La réindustrialisation pose question avec 22 000 hectares nécessaires et l'espace requis pour son écosystème (logements, infrastructures...).
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